Romeo & Juliet (Critique)

Romeo & Juliet

(English Review : Click here)

de : William SHAKESPEARE

Mise en scène : Jamie LLOYD assisté de Jonathan GLEW 

Adaption : Nima TALEGHANI

Décor et costumes : Soutra GILMOUR assisté de  Rachel WINGATE pour les décors et d’ Anna JOSEPHS pour les costumes

Lumières : Jon CLARK

Création sonore : Ben et Max RINGHAM

Video et cinématographie : Nathan AMZI et Joe RANSOM

Musique : Michael ‘Mikey J’ ASANTE

Coordinateur des déplacements : Sarah GOLDING et Yukiko MASUI (Say)

Coordinateur d’intimité : Ingrid MACKINNON

Directeur de casting : Stuart BURT CDG

 

Avec :

Freema AGYEMAN, Francesca AMEWUDAH-RIVERS, Michael BALOGUN, Harriet BUNTON, Nathaniel CHRISTIAN, Tomiwa EDUN, Callum HEINRICH, Tom HOLLAND, mia JEROME, Kody MORTIMER,
Shardé NEIKAIYA, Phillip OLAGOKE, Daniel QUINN-TOYE, Ray SESAY, Nima TALEGHANI, Joshua-ALEXANDER WILLIAMS

au The Duke of York’s theatre

jusqu’au 3 août 2024

 

Il était attendu ce Romeo & Juliet de Jamie LLOYD comme en témoigne la billetterie affichant « Sold Out » en deux heures (quelques places se libèrent maintenant suite à des annulations) !

Un Romeo & Juliet attendu, donc, en termes d’impatience mais aussi attendu au tournant avec le casting annoncé. S’il y a bien une chose qui est incroyable, c’est justement l’interprétation de ce casting ! On n’a jamais été confronté à un tel niveau de jeu. Chacun est tout à fait remarquable. Les émotions que les comédiens parviennent à donner et souvent sans même se regarder, sont une diablerie absolue ! On a adoré l’interprétation de Tom HOLLAND en un Roméo sombre, primitif, anguleux et un peu gauche. Il est à mille lieues du garçon juvénile joué dans le rôle qui l’a rendu célèbre : Spider-man. Une réelle redécouverte !
De la même manière, Francesca AMEWUDAH-RIVERS campe une Juliet où chaque expression, chaque mot est d’une précision, d’une intention qui nous scotchent. A eux deux, ils nous bousculent, ils nous font rire (eh oui !) et surtout, ils nous impressionnent.
Impressionnant également : Nima TALEGHANI en Benvolio. Il jouit dans son rôle d’une présence désinvolte et massive… presqu’animal.
De son côté, Daniel QUINN-TOYE étonne dans sa capacité à interpeller le spectateur. En des apparitions éclairs et éparses, il est incroyable. Un regard de trois secondes nous colle au mur. Il joue un Paris à la beauté arrogante, sans condescendance aucune. Ainsi, ce n’est pas son assurance de Comte qui nous agace mais bien son aura. Le personnage en est constamment et intelligemment détestable. Il fait ressortir en nous de bas instincts de jalousie, de défiance. Un coup de maître. De ce fait, on se retrouve avidement curieux d’avoir l’occasion de le voir jouer Romeo (Daniel est doublure de Tom HOLLAND) en un jeu qui forcément sera différent. Une envie que ne partagera sans doute pas le public venu voir la star du show mais on parierai qu’il ressortirait tout aussi soufflé par l’un ou l’autre des comédiens.
Chaque personnage dans cette version est tour à tour sublimé et profané. On les voit tous briller et sombrer. C’est quelque chose d’unique.

Alors pourquoi, certains ayant aimé Sunset Boulevard, le précédent spectacle de Jamie LLOYD sortent déçu de ce Romeo & Juliet ? Pourquoi, à l’inverse, ceux qui n’ont pas accroché sur Sunset Boulevard, c’est notre cas, se trouvent ici dans la position inverse ? Les arguments sont les mêmes des deux cotés pour chaque spectacle. Incompréhensible dualité sur un même concept. On a longtemps débriefer sur Romeo & Juliet avec des confrères immédiatement après la représentation. Il y a eu entre nous un passionnant débat : échange de points de vue, désaccords cordiaux, observations communes. En tous cas, si la pièce divise, elle offre un sujet de conversation et d’oppositions de points de vue intéressants. Preuve, et c’est là un signe qu’on tient une œuvre réussie, qu’elle ne laisse pas indifférente. Mais qu’est ce qui fait qu’on aime ou pas Romeo & Juliet ou Sunset Boulevard, la question reste entière.

On notera sur les deux heures quinze de représentations, plusieurs coupes dans le texte qui ne sont pas toujours les bienvenues. A l’inverse, la fusion de certains personnages est bien amenée et apportent une nouvelle dimension à certaines répliques du texte. On a, par exemple, les répliques de Lady Capulet que se partagent la nourrice et Capulet. Malheureusement, d’autres personnages restent sous-exploités. C’est le cas de Tybalt et de Mercutio dont la mort nous laissera complètement indifférent. Quant à la mort des deux personnages principaux, elle ne peut pas laisser sans réaction. Là encore, elle interpelle et divise dans son parti pris. Parti pris de tout pousser à l’essentiel. C’est une compilation brute et sommaire de la pièce de SHAKESPEARE qui ne laisse pas de place aux accessoires. Ainsi, on apprécie au centuple le jeu des comédiens qui présentent quelque chose de cathartique. Du pur jus !

Comment ne pas aborder la question du travail sur le son. On est sur deux extrêmes entre les textes dits à voix basse et d’autres qui tambourinent dans nos oreilles autant que la musique originale. A l’instar du jeu, la précision du son est impeccable. On adore les effets sonores donnés aux voix du prince et de l’apothicaire bien que ceux-ci peuvent nuire à la compréhension d’un spectateur qui ne connaitrait pas l’œuvre et son texte. Mais lorsqu’on est dans un murmure qui culbute un cri étouffé, on se retrouve, une fois de plus, désarçonné et satisfait.

Une frustration vient du teasing extrêmement bref « Les plaisirs violents ont des fins violentes ! » avec lequel on est en droit de s’attendre à une version très violente. On reste sur notre faim. On s’étonne d’ailleurs de la présence parmi les créatifs d’une coordinatrice d’intimité puisque ce n’est pas assez osé à notre goût en témoigne la scène du chant de l’alouette loin d’être coquine (quand on dit coquine, comprenez sale.) On s’attendait à être choqué plus d’une fois et c’est finalement sombre mais pas si scandaleux. On ressent bien, malgré tout, la transgression dans l’approche voulue de cette mise en scène.

Enfin, l’éclairage apporte, à son tour, un certain caractère en restant la plupart du temps parfaitement horizontal.

Romeo & Juliet aurait pu être « coup de cœur » tant il y a du génie et du talent en chacune des personnes qui participent à cette production. Malheureusement, il y a également des aspects qui ne sont pas exploités où qui n’apportent pas de valeur ajoutée et qui laissent une sorte d’indécision sur notre ressenti. On ressort bouleversé et frustré.

Vous allez prendre des coups et vous demanderez sans doute à prendre encore davantage ! Car Romeo & Juliet par Jamie LLOYD est agressif et c’est, aussi étrange que cela puisque paraître, un compliment.

 

L’histoire

Les plaisirs violents ont des fins violentes !

 


Crédit Photo : Marc Brenner

 

 

SITE OFFICIEL

BILLETTERIE

 

 

Aurélien.

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