Roméo et Juliette (Critique)

Roméo et Juliette

(English review : click here)

D’après : William SHAKESPEARE

Musique : Charles GOUNOD

Livret : Jules BARBIER et Michel CARRE

Mise en scène : Thomas JOLLY

Direction musicale : Carlo RIZZI

Collaboration artistique : Katja KRUGER

Décors : Bruno DE LAVENERE

Costumes : Sylvette DEQUEST

Lumières : Antoine TRAVERT

Chorégraphie : Josépha MADOKI

Cheffe des Chœurs : Ching-Lien WU

Avec :

Benjamin BERNHEIM ou Francesco DEMURO, Jérôme BOUTILLIER, Sylvie BRUNET,
Lea DESANDRE
ou Marina VIOTTI, Elsa DREISIG ou Pretty YENDE, Yiorgo IOANNOU,
Maciej KWASNIKOWSKI, Huw MONTAGUE RENDALL
ou Florian SEMPEY, Laurent NAOURI,
Thomas RICART, Jean TEITGEN 
et Sergio VILLEGAS GALVAIN 

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœurs d’enfants de l’Opéra national de Paris

Jusqu’au 15 juillet 2023

A L’Opéra Bastille

La présente critique est basée sur la distribution du 23 juin 2023. 

Si on est habitué à voir Roméo et Juliette à l’Opéra de Paris, c’est davantage dans sa version ballet de Prokofiev que dans sa version opéra. Et pour cause, ce dernier composé par Charles GOUNOD n’a pas été présenté depuis 1985 !

C’est à l’ineffable Thomas JOLLY qu’a été confiée la mise en scène de cette nouvelle production. Pour les habitués de l’artiste, sa patte est bien présente : décor magistral, costumes voguant entre comedia del arte et modernité, segments de lumières entrecroisés. On sent que ses consignes et son idée précise a été donnée aux équipes créatives.

Dès le lever de rideau, on est stupéfait par le gigantisme du décor : Bastille a fait entrer Garnier dans ses murs sur une ouverture où la peste règne sur Vérone. On en peut s’empêcher de faire le lien avec le funèbre destin des amants ou à l’inaltérable réplique de Mercutio : « La peste soit sur vos deux maisons ». Par l’escalier de l’opéra de Garnier, on ne peut pas s’empêcher de penser au tableau Mascarade de la comédie musicale The Phantom of the Opera. Ce sera le cas également dans la crypte des Capulets. Sans doute, une façon détournée de rendre l’opéra à tous les publics, : amateurs d’opéras comme d’opéras-rock. Dans son Roméo et Juliette, Thomas JOLLY joue aussi de caméo ou autre easter eggs que certains s’amuseront à débusquer dans ce décor. Un décor qui pour autant ne lasse jamais.Et si on est sur une gamme de couleurs resserrée : le noir, le blanc, le rouge, chaque acte bénéficie d’une identité bien distincte.

Les chanteurs lyriques posent leurs voix sur la musique mais aussi sur les textes sublimes de Jules BARBIER et Michel CARRE. Les mots sont loin d’être creux comme peuvent l’être ceux de certains spectacles musicaux de notre époque.

On assiste à plusieurs moments intenses donnés le plus souvent par les deux rôles principaux Benjamin BERNHEIM et Elsa DREISIG. La première apparition vocale de l’un et de l’autre est un véritable enchantement. Les envolées lyriques de l’un comme de l’autre sont prenantes. On peine, cependant, à croire à la consommation de leur amour autour du chant de l’alouette dans La chambre de Juliette. Si le jeu émotionnel est bien présent, il est moins perceptible sur le plan physique. Il est toujours difficile à rendre ce genre de moment sans sombrer dans l’excès ou la gêne. Toutefois, Elsa DREISIG fera preuve plus tard d’une force physique étonnante par une cascade maîtrisée. Notons, d’ailleurs, que la production ne fait pas état dans les crédits de chorégraphe des cascades ou de maître d’armes. L’affrontement Roméo/Mercutio/Tybalt bénéficie pourtant d’une qualité chorégraphique digne de la discipline.

On reste admiratif devant Stephano, le page de Romeo interprété par Lea DESANDRE mais surtout devant Huw MONTAGUE RENDALL à l’émotion juste et parfait Mercutio, étincelle funèbre à l’aura d’ange déchu.

Le deuxième acte, Le jardin de Juliette, plus communément connu sous le nom de scène du balcon, est d’une faste simplicité soulignée par l’élégante mélodie des harpes mises en avant pour l’occasion pour sublimer encore davantage les voix.

On déplorera une imperfection pouvant être corrigée sans mal : les entrées et sorties des artistes en fond de scène qui manquent de discrétion voire de diversion.

La présence de personnages libres d’interprétation est un autre jeu auquel on aime se prêter. De notre côté, on verra ainsi, et entre autres exemples, un corbeau argenté, oiseau de mauvais augure, virevolter autour de Juliette lors du bal.

Pour ajouter de la modernité à l’œuvre, on assiste à des chorégraphies endiablées sur le bal des Capulets. Mais surtout, dans le quatrième acte, une scène nous laissera admiratif. il s’agit d’une chorégraphie à l’allure ectoplasmique envoutante : le waacking, danse aux inspirations africaines reprise par une certaine Madonna…

Roméo et Juliette possède un pouvoir d’attraction indiscutable dans cette adaptation qui séduira les curieux, les experts et les amateurs de tout âge.

Un retour de Gounod se fait en majesté !


Crédit Photo : Vincent PONTET
L’histoire

Combien de compositeurs ont été inspirés par les amants de Vérone dépeints par Shakespeare ? De Vincenzo Bellini à Leonard Bernstein en passant par Hector Berlioz, la liste est longue. Si le Roméo et Juliette de Charles Gounod, créé pendant l’Exposition universelle de 1867, remporte d’emblée un succès populaire, c’est sans doute parce qu’il a traduit le plus finement la pulsion de vie des célèbres amoureux. Quatre duos d’amour, une valse ardente, une musique lumineuse et lyrique : toute la partition frissonne de désir et de fraîcheur. Qui mieux que Thomas Jolly, l’un des plus inventifs metteurs en scène de sa génération, pouvait célébrer cet hymne à la jeunesse ? Après son Eliogabalo de Cavalli en 2016, ce fin connaisseur de Shakespeare signe sa deuxième collaboration avec l’Opéra national de Paris.

SITE OFFICIEL

BILLETTERIE

Aurélien.

Comments

Reply

Leave a comment.