Lost River, rencontre avec Ryan Gosling et Reda Kateb

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A l’occasion de la sortie de la toute première réalisation de Ryan Gosling, Lost River, j’ai eu la chance de pourvoir assister, à la suite du film, à une séance de questions / réponses avec Ryan Gosling himself et Reda Kateb. Résumé…

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Ryan Gosling parle de Lost River …

À plus d’un titre, ce film est le cadeau que m’ont fait les réalisateurs avec lesquels j’ai eu la chance de travailler ces dernières années. En tant qu’acteur, je suis passé des films ancrés dans le réel de Derek Cianfrance à l’imaginaire de Nicolas Winding Refn. Je pense que j’ai oscillé entre ces deux extrêmes parce que ma propre sensibilité de réalisateur se situe quelque part entre les deux.

Sur les lieux de tournage et la ville de Détroit l’acteur déclare :

À l’occasion d’un tournage, j’ai découvert Détroit, une ville qui vit aujourd’hui à la frontière de ces deux réalités. Même si je n’y ai passé que quelques jours, cette ville m’a profondément marqué. Elle était au bord de la faillite. Il y avait là des quartiers désertés s’étendant sur une soixantaine de kilomètres et, dans quelques recoins de ces quartiers, des parents qui essayaient d’élever leurs enfants à deux pas de maisons incendiées ou démolies. Détroit est pourtant le berceau de la Ford T, de la Motown et de la classe moyenne américaine. À une certaine époque, c’était même la carte postale du rêve américain, mais aujourd’hui, pour les familles de ces quartiers, le rêve s’est transformé en cauchemar. Mais il y a encore beaucoup d’espoir là- bas. Il y a une conscience collective formidable à Détroit, elle mériterait qu’on s’en inspire. Ce qu’elle a été et ce qu’elle sera à nouveau un jour, demeure toujours vivace aujourd’hui. Je savais qu’il fallait que je fasse quelque chose là-bas.

ryan-gosling-le-monde-du-cineJ’y suis retourné plusieurs fois l’année suivante, pour essayer de conserver une trace de ces quartiers avant qu’ils ne soient rasés ou détruits. J’ai commencé à inventer une histoire qui ne se déroulerait pas à Détroit mais à Lost River, une ville fictive au passé imaginaire. Des fragments de l’histoire me sont peu à peu apparus : une famille qui perd sa maison, un mystérieux secret dissimulé sous la surface… J’ai puisé dans les films fantastiques populaires des années 80 avec lesquels j’ai grandi, et j’ai passé ces références au prisme de la sensibilité que j’ai acquise depuis en matière de cinéma. Partant de là, l’histoire de Lost River a commencé à se dessiner sous la forme d’un sombre conte de fées, avec la ville dans le rôle de la demoiselle en détresse, et des personnages semblables aux morceaux d’un rêve brisé, qui essayent de se reconstruire.

Tourner à Détroit, laisser les acteurs se balader dans cette cité en ruines confère au film une authenticité qu’il n’aurait peut-être pas eu autrement. L’environnement fait tout. Lorsque nous étions en repérage et pendant le tournage, nous avons rencontré des habitants de ces quartiers, et ils font maintenant partie intégrante des scènes que nous avons tournées et de la trame de l’univers que nous avons créé. En réalité, il y a encore beaucoup d’espoir à Détroit. C’est pourquoi c’est le seul endroit où nous aurions pu tourner ce film. C’est une ville qui suscite créativité et inspiration, et j’espère que d’autres productions viendront tirer profit des talents et des opportunités dont elle regorge.

Une histoire personnelle …

Cette histoire de ville engloutie est similaire à celle de la ville où j’ai grandi. Un jour, alors que je me promenais dans les bois lorsque j’étais petit, je suis tombé sur une route qui plongeait droit dans le fleuve. J’en ai parlé à ma mère et elle m’a dit qu’il y avait une ville au fond de l’eau. La ville où j’ai grandi était sur le tracé de la voie maritime du Saint- Laurent. Des promoteurs ont aménagé un canal permettant à de gros bateaux de naviguer de l’Atlantique jusqu’aux grands lacs, en inondant plusieurs villes et villages sur leur chemin. Encore aujourd’hui, l’idée que j’ai pu me baigner dans une rivière au-dessus d’une ville engloutie continue de me mettre mal à l’aise.

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Reda Kateb parle de Lost River …

J’ai rencontré Ryan Gosling la veille de ma première nuit de tournage, à la cantine du film. Il m’avait vu dans Un Prophète et Zero Dark Thirty et m’a proposé ce rôle sans me demander de passer des essais. J’ai apprécié cette confiance qui m’a donné envie de donner le meilleur. La confiance appelle la confiance. J’ai aussi aimé qu’il me propose ce personnage d’homme bienveillant, protecteur, différent des rôles dans lesquels il m’avait connu. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé très concrètement du personnage et de la manière dont nous allions tourner. J’ai tout de suite senti que nous étions en phase.

Travailler avec Ryan Gosling …

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Comme réalisateur, il a cette chose rare que j’adore qui est de donner aux gens avec qui il travaille, la sensation de créer le film en le tournant. Au contraire de mettre en boîte un scénario, il s’agit plutôt d’inventer l’histoire tout en la vivant. Même si le scénario reste une feuille de route, tout est possible. Il connaît très bien la mécanique des acteurs et sait qu’ils ont besoin d’être libres pour être créatifs. Après une prise, il venait souvent me demander «comment tu l’as sentie ? ». Plutôt que dire : « il faut faire ci ou ça ». C’est très stimulant.

Sur les lieux de tournage et la ville de Détroit l’acteur déclare :

Détroit est un décor très puissant. Lorsque je suis arrivé, ça m’a vraiment donné le cafard. L’impression d’arriver après une guerre, un bombardement. Les rues du centre ville sont vides. Lorsqu’on s’y promène, on croise quelqu’un tous les kilomètres, et encore..On sent aussi que la vie a été foisonnante et que beaucoup de gens sont partis d’un seul coup. Lorsque j’ai commencé à tourner (quelques jours plus tard), j’ai rencontré des gens magnifiques d’humanité. Au contraire d’autres endroits des États-Unis comme Los Angeles par exemple, les gens n’ont pas de rêve américain préfabriqué à exposer. Ils n’ont qu’eux-mêmes dans un décor de cauchemar. Et justement là, les rencontres sont authentiques.


Critique du film


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