Dom Juan (Critique)


Dom Juan ou le festin de pierre

De : Molière 

Mise en scène, Adaptation : David BOBEE

Scénographie David BOBEE et Léa JEZEQUEL

Assistanat à la mise en scène : Sophie COLLEU et Grégori MIEGE

Lumières : Stéphane BABI AUBERT 

Vidéos : Wojtek DOROSZUK

Musique : Jean-Noël FRANCOISE

Costumes : Alexandra CHARLES

Décor Les ateliers du Théâtre du Nord

 

Avec :

Avec Nadège CATHELINEAU, Catherine DEWITT, Nine D’URSO, Radouan LEFLAHI, XiaoYi LIU, Jin Xuan MAO, Grégori MIEGE, Shade Hardy GARVEY MOUNGONDO, Orlande ZOLA

A Tourcoing

du 13 au 20 novembre 2023

Une sérénade qui s’enflamme peu à peu en guise d’amuse-bouche pendant l’entrée du public. Puis une introduction vertueuse avant une ouverture de rideau en majesté, voilà qui donne le ton de ce à quoi on va assister.

Alors que David BOBEE nous avait déjà envoyé dans les cordes avec Elephant Man. Il nous termine ici à coup d’uppercut scénographiques. Entre improbables sabliers gigantesques et statues monumentales, on prend régulièrement une claque sur la musique, sur le chant, sur la danse, sur la lumière, sur le jeu. En effet, le Dom Juan qu’il nous présente ici est un déchaînement d’ingéniosité. Une scénographie inventive qui restera gravée dans le marbre !

Si on a vu des Dom Juan (celui de Tigran MEKHITARIAN par exemple) où la violence du propos était plus que notable. La violence explose dans cette version, elle est partout sur scène, elle gravite tout autour de Dom Juan. Radouan LEFLAHI en nourrit son personnage assisté par une mise en scène qui ne peut pas laisser indifférent. Une folie colossale ou le beau est défiguré, détruit en un procédé habile.

Chaque sortie de route empruntée par David BOBEE est une étape aussi nécessaire que fiévreuse. Et de la fièvre, de la ferveur, Radouan n’en manque pas non plus. Il fait preuve, sur ce rôle, d’un engagement magistral. Plus que jamais, on adore sciemment détester son personnage. Il épouse ses conquêtes aussi bien que les statues avec lesquels il se fond presque. Il explore le personnage dans ces moindres recoins, pas uniquement dans son cœur mais aussi dans le corps et l’esprit. Il statufie Dom Juan verbalement, physiquement et littéralement. Radouan prend possession du texte avec une éloquence rare et un ton de conquérant.

Le jeu de chacun est infaillible, sombrement esthétique. Les déplacements et placements principalement centrés autour des hanches donnent une dimension inattendue. Chaque personnage utilise un ton, une couleur vocale distincte passant de déplaisante à irrésistiblement admirable. Elvire est d’abord tranchante dans son flux de tirades puis son slam sera un exemple parmi d’autres des virtuosités dont chaque artiste est capable. Shade Hardy GARVEY MOUNGONDO nous transporte de ses élans vocaux sur des chants africanisés. Il joue un Sganarelle aux onomatopées touchantes et drôles. XiaoYi LIU joue le texte en une chorégraphie tantôt douce, tantôt cinglante. 

Dom Juan est ici un genre de fresque foudroyante qui mêle le classique à la modernité et sur laquelle composent les comédiens.

Ce Dom Juan va vous pétrifier !

C’est ainsi qu’il est inévitablement notre troisième triple coup de cœur de l’année.

 

 

L’histoire

Dans un décor de statues monumentales gisant à terre, tel un cimetière de dieux déchus, que devient la démesure de Dom Juan, héros plus complexe qu’il n’y paraît ? Comment se saisir de la beauté d’un texte fondateur dont la représentation renvoie aux dominations contemporaines les plus détestables ? Porter sur scène de grandes figures engage le risque d’en déboulonner symboliquement quelques-unes. David Bobée chemine dans une œuvre au long cours dont La Villette s’est faite complice avec Lucrèce Borgia et plus récemment Peer Gynt. Artiste prolifique engagé contre toutes formes de discriminations, le nouveau directeur du Théâtre du Nord excelle à décoloniser les arts en fabriquant de somptueux spectacles transdisciplinaires et fédérateurs.


Crédit Photo : Arnaud BERTEREAU

 

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Aurélien.

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