L’Enfant Orange (Critique)

 

  • Date de sortie au cinéma : 04 Juin 2021
  • Durée du film : 12 Minutes
  • Réalisé par : Alexandre DESANE
  • Avec : Alexandre DESANE, Anaïs VOLPE, Adriel JEAN-SIMON, Marlon DA VEIGA PLUTUS, Delphine CLAIRICE
  • Genre : Drame

Synopsis – L’Enfant Orange

Lorsqu’il était enfant, Wilnor se voyait orange, il ne se voyait pas noir. Aujourd’hui comédien, Wilnor est
perturbé par cette couleur qui l’enferme dans des rôles stéréotypés. Alors qu’il retrouve l’ordinateur
de son enfance, il explore le jeu-vidéo qu’il avait commencé à créer à l’âge de 11 ans.

 

Mécanique Orange

 

Alexandre DESANE est un artiste touche à tout d’une grande curiosité. Tour à tour comédien (notamment chez Philippe LACÔTE), scénariste, danseur, producteur, photographe, réalisateur ou encore développeur web, il est le réalisateur du court-métrage L’Enfant Orange sélectionné et projeté au Brooklyn Film Festival, au début du mois de Juin 2021.

Français d’origine haïtienne, il s’attache, par ce film, à dépeindre la réalité mêlée d’imaginaire d’un enfant noir qui grandit dans l’ignorance de sa propre couleur :
« L’enfant orange est inspiré de ma propre expérience, un acteur noir dans le milieu du Cinéma Français. Quand j’étais enfant, j’avais l’habitude de dire à ma mère que j’étais Orange. Pour moi, je n’étais pas Noir et j’étais très sérieux en disant ça. Je pleurais quand on me disait que j’étais Noir parce que la seule chose qui comptait pour moi, c’était ma vision, je refusais d’accepter ce que les autres disaient de moi.  »

Alexandre DESANE et Anaïs VOLPE ont fondé le studio « Le double », afin d’y faire naître leurs projets singuliers. Fidèle au style initié par leur (très bonne) série documentaire Dans la Jungle avec un Petit Couteau à Beurre, consacrée aux autodidactes, L’Enfant Orange superpose différents styles graphiques : photos, noir et blanc, jeu-vidéo conçu spécialement pour le film, fausse publicité, vidéo de faux casting, flash-backs de l’enfance et scènes quasi documentaires se succèdent très habilement, rendant compte de l’imaginaire morcelé d’un enfant rejeté par ses camarades puis par ses pairs, pour sa couleur de peau.


Sensible et lucide, le film multiplie les aller-retours dans le temps et l’espace pour nous présenter l’enracinement du racisme en France. Des insultes subies sur les bancs de l’école aux offres de casting stéréotypées, c’est le même processus mental qui est décrit : naître noir c’est être réduit à n’être que cela…

Quelle solution, alors ? Se redéfinir. Devenir autre. Décider d’être orange, vivre sur une planète qui nous ressemble et nous accepte. C’est le choix qu’effectue le jeune Wilnor, protagoniste fictif du film.

Wilnor a 11 ans quand il crée un jeu-vidéo qui reflète son état d’esprit : il est un enfant orange qui lutte contre le racisme en voulant donner son sang pour sauver des vies multicolores. C’est le leitmotiv de la mère : « donnez votre sang car trop peu de noirs le font ». Comme si l’absence de leur sang les invisibilisait, les excluait de la société. Cette très belle idée transforme un acte citoyen, en un acte de résistance. Mélanger les sangs pour exister au même titre que les autres.

Castings sauvages

La deuxième partie du film se centre sur Wilnor adulte, tentant de gagner sa vie comme comédien. Le film adopte alors un registre plus humoristique et mordant.

Wilnor lit les annonces de casting à sa compagne qui s’amuse à les trier dans différentes catégories : « Exotisme », « Foutage de gueule » etc. On découvre que chaque annonce fait explicitement référence à un cliché entourant les personnes noires ; jouer un esclave, un dealer ou dans une publicité pour du poulet…

L’inventivité de la mise en scène explose dans une parodie hilarante de publicité de poulet doublée en espagnol. Toute l’absurdité de ces stéréotypes est explicitée quand Wilnor décide de se rendre au casting, dans le but de le torpiller de l’intérieur. Là encore, une belle idée !

 

Alexandre DESANE signe un témoignage touchant, créatif et intime qui évite les écueils du pathos par le biais d’une mise en scène protéiforme et d’une belle interprétation.

La très jolie fin du film montre un Wilnor grandi et apaisé, laissant derrière lui les souvenirs difficiles de l’enfance pour avancer dans une direction plus sereine. Avec, en tête, un passé difficile mais la volonté d’accepter sa nature profonde qui n’est ni strictement orange, café au lait ou noire mais simplement humaine.

                                       

  Clément BOYER-DILOLO

 

 

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