Othello (critique)

Othello

De William SHAKESPEARE

Adaptation en français : Jean-Michel DEPRATS

Mise en scène : Jean-François SIVADIER assisté de Véronique TIMSIT

Collaboration artistique : Nicolas BOUCHARD et Véronique TIMSIT

Scénographie : Virginie GERVAISE, Jean-François SIVADIER et Christian TIROLE

Lumières : Jean-Jacques BEAUDOUIN et Philippe BERTHOME

Création sonore : Eve-Anne JOALLAND

Costumes : Virginie GERVAISE

Accessoires : Julien LE MOAL

Création coiffures et maquillages : Marthe FAUCOUIT et Angélique HAMEAU

Chorégraphie : Johanne SAUNIER

Avec :

Cyril BOTHOREL, Nicolas BOUCHAUD, Stephen BUTEL, Adama DIPO, Gulliver HECQ, Jisca KALVANDA et Emilie LEHURAUX

 

Jusqu’au 22 avril 2023

A l’ Odéon – Théâtre de l’Europe

 

Dans cette mise en scène, Othello traverse les époques pour devenir un de nos contemporains à travers le décor, les costumes mais surtout à travers un texte enrichi de notre quotidien. Malgré tout, Othello reste ici ancré en tant qu’œuvre classique. Elle jouit toujours de son essence. C’est souvent en cela que Shakespeare traverse les âges avec tant d’évidence. C’est aussi grâce à un jeu des comédiens qui procèdent ici par touches successives dans leur interprétation alternant, ainsi,  entre classique et comtemporain sans rupture.

Emilie LEHURAUX nous propose une Desdémone malicieuse autant que visiblement amoureuse. Mais le cœur de son jeu réside dans le fait qu’elle adopte aux yeux du spectateur une attitude dans ses déambulations qui auraient tendance à nous faire faire de sa fidélité. Elle évolue dans ses errances, dans ses élans physiques comme si elle était volage. C’est, bien entendu, une parfaite et habile contradiction avec son discours et son admiration. Sa démarche, soutenue par la legèreté et les effets des tissus de ses costumes, tendrait à nous orienter sur le fait que si nous, public, pourrions être berné, le brave Othello peut l’être tout autant. Cet Othello joué par le charismatique Amada DIOP est l’insolence qu’on adore et qu’on déteste. Amoureux éperdu, amoureux et perdu, il incarne tour à tour l’insouciance et la folie sans ciller. Tout le contraire de Nicolas BOUCHARD en Iago perfide jusque sous la peau. Il est le joker manipulateur, le serpent sous la robe de Satan. Fort de multiples intentions dans son débit de paroles. Paroles rythmées à propos. Enfin, on notera la performance physique incroyable de Gulliver HECQ dans le rôle de Roderigo. Il ajoute naturellement l’ironie, l’impatience à ce drame en ne se ménageant aucunement.

Les vices de l’humanité, envie et jalousie en tête, sont racontés ici de façon si fluide, faussement imprécise – et c’est là toute l’intelligence – que n’importe quel spectateur se laisserait aller à son appropriation de la pièce.

La pièce a pour décor des matériaux nobles alliés à d’autres plus discutables, toujours en résonnance avec les sentiments humains. Ainsi le bois et le métal côtoient les plastiques pour un rendu qui feint une sorte de transparence de noir satinée. Plusieurs fois, on aura le sentiment que les murs du plateau, comme un étau, se resserrent, que ces mêmes murs résonnent pour finir par déraisonner.

Cette version d’Othello est un classique moderne à redécouvrir.

 

 


Crédit Photo : Jean-Louis FERNANDES


L’histoire

Pour raconter la tragédie d’Othello, général en chef de la République vénitienne en guerre avec les Turcs, c’est dans la noirceur du cœur de Iago, son traître compagnon d’armes, que Shakespeare a sans doute trempé sa plume : il n’aurait pu trouver de noir plus intense pour peindre le monde des hommes tel qu’il apparaît ici. Comme dans toutes ses grandes pièces, la question de la vérité, et notamment de celle de l’amour, est centrale. “Êtes-vous solidement marié ?”, demande Iago à Othello dès les premiers instants de la pièce. Dans le doute dévorant où il le plonge, quels signes pourraient être garants de certitude ?
Fidèle à la devise inscrite au fronton du théâtre du Globe – le monde entier est un théâtre – Jean-François Sivadier scrute l’étrange emprise qui est au cœur de la pièce au prisme du jeu d’acteur : Iago est-il un metteur en scène implacable pour qui la réalité n’est faite que de signes réversibles ? Ou celui qui initie aux ambiguïtés du monde un héros qui croit trop à son rôle ?
Jean-François Sivadier a développé dans un dialogue au long cours avec Nicolas Bouchaud – interprète dans presque tous ses spectacles et ici de Iago – et Véronique Timsit, dramaturge, un théâtre à l’écoute de la langue et enraciné dans la présence de l’acteur. Et c’est à Adama Diop, que l’on a vu à l’Odéon dans La Cerisaie et Macbeth, qu’il a confié le rôle d’Othello – un personnage dont le tragique traverse les siècles jusqu’à nous.

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BILLETTERIE

Aurélien.

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