Angels in America (Critique)


Angels in America

De : Tony KUSCHNER 

Adaptation : Pierre LAVILLE

Version scénique et mise en scène : Arnaud DESPLECHIN assisté de Stéphanie LECLERCQ

Scénographie : Rudy SABOUNGHI

Costumes : Caroline DE VIVAISE assistée de Magdaléna CALLOC’H

Lumières : Bertrand COUDERC

Son : Sébastien TROUVE

Collaboration artistique : Stéphanie CLEAU

 

Avec :

Dominique BLANC, Jennifer DECKER, Julien FRISON, Clément HERVIEU-LEGER, Gaël KAMILINDI, Jérémy LOPEZ, Florence VIALA et Michel VUILLERMOZ.

la Comédie Française – Salle Richelieu

Jusqu’au 14 mai 2023

 

Sous une histoire, devenue de nos jours, d’une apparente banalité, se déroule en filigrane une œuvre engagée. Alternant entre messages légers, phrases d’une cruauté acerbe voire assassines et propos philosophiques, tout est rassemblé pour un texte qui nous fait passer d’un sentiment à un autre.

La distribution est éclatante, Julien FRISON en tête grâce à une incroyable aura. Il illumine la pièce par sa présence. On adore aussi Jennifer DECKER dans son rôle de femme mentalement blessé aux éclairs de lucidité savoureux. Michel VUILLERMOZ nous surprend, quant à lui, par sa capacité à nous donner l’impression qu’il dépérit et se diabolise d’apparition en apparition. Enfin, Gaël KAMILINDI a ce pouvoir étonnant de sembler flotter au-dessus de la scène avec une troublante désinvolture face à chaque situation.

Notons également des quick changes remarquables et une scénographie qui utilisent principalement les rideaux dans toutes sortes d’ouvertures pour un rendu d’abord déstabilisant mais qui finalement séduit tout à fait puisqu’il se prête judicieusement à la narration d’une ambivalence subtile. Les scènes bilatérales donnent l’effet d’une pellicule tels que celles encore utilisées dans les années 80 et c’est d’ailleurs comme un film qu’est construit Angels in America. Les images et scènes distinctes s’enchainent d’abord sans lien avant de prendre sens et de se fondre les unes dans les autres petit à petit en des destins croisés. Pourritures et personnages trop polis pour être honnêtes se côtoient dans un semblant de paradis dominé par des anges facétieux.

Autour d’une Amérique qui vogue entre illusions, espoir, décadence et intolérance, l’engagement politique d’Angels in America s’applique encore à notre époque à bien des pays dit démocratiques. Parfois farfelue, souvent satirique, Angels in America nous éclabousse d’une certaine culpabilité.

Angels in America est une pièce pleine de style et plein de styles. Ni une comédie, ni un drame et ainsi donc, en avance sur son temps quand le non-genré n’existait pas encore. L’œuvre provoquera à coup sûr chez le spectateur un engouement éclairé par la pertinence du propos. Nécessaire !

L’histoire

« Tony Kushner. Juif, homosexuel et marxiste. » Ainsi l’auteur d’ « Angels in America » se présentait-il à Pierre Laville.

Prix Pulitzer et Tony Award en 1993, adapté à la télévision et à l’opéra, Angels in America met en scène la société américaine des années Reagan, mêlant politique et histoires intimes, réalisme et merveilleux avec, pour fil noir et narratif, l’épidémie de sida. C’est ainsi que meurt en 1986 Roy Cohn, avocat sans scrupule, disciple de McCarthy, homophobe, raciste, « lâche, salaud et victime » tel que décrit sur le Memorial Quilt de Washington. Kushner fait de lui l’un des vingt-trois personnages – qu’interprètent huit comédiens – de sa Fantaisie gay sur des thèmes nationaux construite en deux parties : Millenium approche et Perestroïka. Nous sommes à New York entre 1985 et 1990. Les républicains sont au pouvoir, la catastrophe de Tchernobyl est imminente, l’effondrement du mur de Berlin s’apprête à bouleverser la politique des blocs et le VIH, encore synonyme de mort assurée, se réduit à la définition de cancer homosexuel.

Arnaud Desplechin, qui signe après Père de Strindberg sa deuxième mise en scène avec la Troupe et l’entrée au Répertoire de l’oeuvre du dramaturge américain, souligne la contemporanéité des Angels. « Cent échos des combats d’hier viennent illuminer notre présent. De Trump, dont Roy Cohn fut le premier mentor, à Fukushima, le recul du temps n’éloigne pas mais enseigne. » L’écriture hybride emprunte au cinéma, à la télévision, à la comédie américaine comme au théâtre classique : « c’est de cette “impureté théâtrale” que je suis tombé amoureux, dit-il. Le mélange des genres propre à Kushner m’enchante : c’est Shakespeare, et Brecht, plus Broadway ! »

 

 

 

SITE OFFICIEL

BILLETTERIE

Aurélien

Reply

Leave a comment.